Blog Archive

Jour 25 - La plage du Domaine (2e partie)

Une chose est sûre, marcher sur une voie ferrée, c’est vraiment pas évident. Faut toujours regarder où tu mets les pieds sinon tu t’enfarges dans les rails ou dans les gros cailloux. Fred, il est capable de marcher en équilibre sur les rails en regardant droit devant lui, et il a l’air de trouver que j’avance pas vite.
 Faut dire que je m’arrête souvent pour regarder partout autour, c’est vraiment un coin de St-Jos que je ne connaissais pas du tout. Je m'étais jamais éloigné autant du village. Une fois passée la maison de Serge, la voie ferrée prend un virage et on tombe en pleine nature, avec des gros caps d’un côté et le fleuve de l’autre.
 Et cet après-midi-là, il faisait tellement chaud que ça faisait chauffer les poutres qui sentaient fort le goudron et même les rails étaient aussi brûlantes qu'une poêle... 
 Quand je levais la tête rapidement, c'était surtout pour regarder entre les arbres pour être sûr qu'on n'était pas en train de se faire observer par des animaux sauvages... Maudit Gendron, il m’a mis plein d’idées dans la tête avec ses histoires de carcajous, d’ours, de loups et de renards enragés qui mangent les enfants quand on s'éloigne trop du village... 
« Au moins, on a Cachou avec nous autres, si jamais on se fait attaquer! » que je dis en pointant le Golden de Fred.
« Tu rêves! Faut pas trop compter sur elle, elle serait la première à se sauver. Elle a peur même quand elle voit un petit suisse » répond Fred.
 Pendant un instant, j’ai regretté de ne pas avoir apporté une arme, comme un sling-shot ou une hache, ou bien juste quelque chose pour faire du bruit et faire fuir les animaux.
« On aurait dû t’accrocher une cloche à vache dans le cou, y aurait eu moins de danger! » me dit Fred pour m’agacer. Je sais qu’il pensait à Gendron qui apporte toujours une clochette dans son sac quand il s’éloigne trop de la maison, et qui a tendance à parler fort pour faire peur aux animaux avec sa petite voix aigüe et fatiguante. Mais moi, si j’étais un ours, j’aurais sûrement envie de le bouffer pour qu’il se ferme la trappe.
 Pas longtemps après, on a vu un train qui tournait lentement le coin, tout au bout de la voie. C'est un train de marchandise qui passe à tous les jours à peu près à la même heure. La sirène était tellement forte que ça m’a comme un peu rassuré: y aura pas un animal sauvage qui va trainer autour de la voie ferrée après ça. 
 On s’est tassé sur le côté en attendant que le train passe, et on a réalisé qu’on avait mis les pieds dans une super grosse talle de framboises. C’était fou! Une vraie mine d’or! J’en avais jamais vu des aussi grosses! On est resté là pendant un gros bout de temps à en ramasser le plus possible et à en manger autant qu’on pouvait!... Mais comme j’avais encore en tête le vomi de Ben, ça me tentait pas trop d’être malade comme lui, alors j’en ai mis plein dans mon tupperware à sandwich et dans mon sac à carottes pour les manger plus tard.



 Au village, quand on est chanceux, on trouve des framboises sur le bord de la voie ferrée derrière l’épicerie, mais il y a tellement de monde qui passe là qu’il n’en reste jamais quand j’y vais. Mais ici, c’est clair que personne ne marche aussi loin pour les cueillir... en fait, je me demande si quelqu'un s'est déjà autant éloigné du village!
 "Let's go! on est presqu'arrivés!" me crie Fred.
 On a continué notre marche sur la voie ferrée et avec la chaleur et les pieds engourdis, je commençais à avoir hâte d'arriver à la plage du Domaine! 
 Je me suis arrêté pour enlever un caillou dans un de mes souliers et quand je me suis relevé la tête quelques secondes après, Fred avait disparu! 
 Je suis resté figé sur place. Sur le coup, j'ai vraiment pensé que Gendron avait peut-être pas tort finalement... les loups et les coyotes peuvent être super sournois et kidnapper leur proie sans que personne ne s'en rende compte.
"euh... Fred??"
 Pas de réponse... j'ai même regardé dans les airs pour voir si Fred ne s'était pas fait attraper par un vautour. 
 Mais c'est là que j'ai entendu Cachou japper juste en bas des roches. Alors je me suis approché en courant (ou plutôt, le plus vite que j'ai pu, pour ne pas m'enfarger) et c'est là que la plage du Domaine est apparue!
 C'était vraiment la plus belle plage que j'avais jamais vue!!! Parfaitement blanche, comme disait Fred et autant de sable que sur les plages du sud!
 Fred était juste au bord de l'eau et me faisait des signes. J'ai descendu les roches et j'ai tout de suite enlevé mes souliers pour marcher pieds nus... faut dire que j'avais les pieds en compote, des débuts d'ampoules sur le gros orteil et les talons, et il ça prenait vraiment juste du sable brûlant pour que je me sente mieux!
 On s'est baignés dans l'eau (toujours aussi froide) du fleuve, on a bouffé notre restant de framboises, on est restés sur la plage jusqu'à temps d'être complètement secs et on est retournés vers le village, par la berge, à marée basse.
 C'est dur à expliquer, j'imagine qu'il fallait être là pour comprendre, mais malgré les ampoules, les jambes fatiguées, les piqûres de moustiques et les coups de soleil, je pense que ça a été la plus belle journée de mon été. 
 Vraiment, des fois je me demande pourquoi les gens préfèrent passer leurs vacances aux États ou en Europe. Je pense qu'ils ne savent juste pas qu'ici, à St-Jos, c'est vraiment le paradis.


------------------------------------ 

C'était la dernière histoire de la saison! Ce ne fut pas toujours facile de garder le tempo que je m'étais fixé au départ, mais j'ai quand même eu beaucoup de fun à réaliser ce petit projet qui me trottait dans la tête depuis plusieurs années déjà... J'espère que vous avez apprécié et, qui sait, on se retrouvera peut-être l'année prochaine?
 Louis-Guy

Jour 24 : La plage du Domaine (1ère partie)

"La plage du domaine, me dit Fred, c'est pas comme la plage du quai! Ça ressemble à une plage du sud! Y a du super beau sable blanc, comme du sucre en poudre!... Faut que tu voies ça! "
Ça me faisait penser à la carte postale que mon oncle Jean-Guy m'avait envoyée des Bahamas l'hiver dernier, avec des plages immenses, des palmiers et des noix de coco qui trainent sur le sable, et de l'eau turquoise remplie de tortues de mer et de poissons rouges!
"On peux-tu aussi flatter des dauphins?" demande Gendron, tout excité.
"T'es vraiment épais! " dit Fred. 
Le problème, c'est que la plage du Domaine est à environ 45 minutes de marche de St-Jos,  et accessible seulement par la voie ferrée... fait que ceux qui ont peur de s'éloigner du village, comme Gendron, ceux qui se promènent seulement en gougounes, comme Ben, ou ceux qui sont trop paresseux, comme Dimitri, trouvent que c'est à l'autre bout du monde!...
"Pourquoi aller aussi loin?" demande Ben. "La plage du quai est juste là, et elle est super correcte!!"
Mais la plage du quai est vraiment pas grande et elle est souvent remplie de monde quand il fait beau et chaud comme aujourd'hui. Et on peut pas dire qu'il y a du beau sable blanc comme dans le sud... Fred me dit que, avec les grandes marées en hiver, les grosses vagues viennent toutes râper la côte et laissent juste de la vase et des cailloux.
Et Fred, il est vraiment bon pour convaincre le monde. Alors on s'est retrouvé toute une gang devant chez Ben un peu avant midi dans le but d'aller faire un pic-nic à la plage du Domaine. 
Ça commençait mal pour Ben parce que sa mère lui avait interdit de se faire des sandwich au beurre de peanuts pour le lunch et lui avait plutôt donné un sandwich végé avec un sac de carottes et une pomme. 
"Quand je vais être plus vieux, je vais manger juste des Jos-Louis pour le diner... " qu'il nous dit... "Si c'est bon pour Morin, c'est sûrement bon pour moi aussi!"
"... et ma mère m'a fait des sandwich à la confiture aussi!" ajoute Morin, pas mal fier de lui, comme toujours.
"Shit... Je suis vraiment né dans la mauvaise famille..."

On a remonté la rue en direction du chemin de fer qui traverse le village de bord en bord.
J'étais vraiment content de partir comme ça en excursion et de découvrir des nouveaux endroits de St-Jos. Je suis toujours surpris qu'après toutes ces années, il reste encore plein de places que je ne connais pas.
On n'avait pas marché plus de 5 minutes que Ben avait déjà mal aux pieds et avait le goût de prendre un petit break. 
Comme par hasard, on était juste à côté du "Casse-croûte de la Rive".
Ben a décidé que son sandwich végé était dégueux alors il en a profité pour aller se chercher une petite poutine aux saucisses et la manger sur la table à pic-nic juste à côté... 
"Ça va me donner des forces pour continuer!"


Ça nous avait donné faim de le regarder manger sa poutine, alors on a tous sorti nos sandwichs pour prendre aussi une bouchée... Et, tant qu'à être là, Dimitri et Justin sont aussi allés se chercher des hot-dogs. C'est vrai que les hot-dogs du casse-croûte sont supposés être les "meilleurs au monde", mais Gendron dit qu'ils sont faits avec de la viande d'animaux morts trouvés sur le bord de la route (sûrement encore une invention de sa mère pour ne pas qu'il mange de fast-food).
"M'en fout, c'est bon pareil!" dit Justin.
"Moi je suis d'accord avec Gendron! dit Jonas. Mon père a vu le cuisinier du Casse-Croûte venir ramasser Marthe la Marmotte qui était morte sur la route juste en face du resto."
"Voyons! Ça veut pas dire qu'il l'a fait cuire après..." dit Fred.
"Moi, y a plus rien qui me surprend, dit Morin en riant... depuis que j'ai vu Dimitri ramasser des crottes de lièvres au lieu des bleuets pour les tartes de sa mère."
"Heille!! crie Dimitri... Maudit menteur! C'est même pas vrai!"
Mme Beta est la meilleure pâtissière du village et envoie souvent son fils Dimitri dans les buttes ou sur le bord des voies ferrées pour chercher des fruits sauvages pour ses tartes. Mais comme il est vraiment paresseux, ça me surprendrait pas tellement non plus.
"Marthe la marmotte morte... dit Justin en riant... ça sonne drôle je trouve!"
"Marthe la marmotte morte! dit Gendron... haha!! c'est dur à dire! Surtout avec une bouchée de sandwich dans la bouche!...Marthe la marmotte morte! "
"Marthe la marmotte morte!" dit Jonas.
"Bon, ok les attardés mentaux... est-ce qu'on continue à marcher? La plage est pas à côté, on a un bon bout à faire... mais ça vaut vraiment la peine, je vous le dit!"
 On a recommencé à marcher, juste après que Ben soit allé se chercher un gros cornet de crème glacée trempée dans le chocolat.
"Avec ça, je vais avoir assez d'énergie pour courir sur la voie ferrée jusqu'à Québec!"
"J'ai hâte de voir ça!" dit Fred.
Comme de fait, on n'avait pas fait 50 pas que Ben s'est arrêté sur le bord de la route.
"Je vais prendre un break les gars... je me sens pas super bien..." qu'il nous dit, la face vraiment blanche.
"Encore un break??? crime, on se rendra jamais à la plage avant la fin de l'été!!" répond Fred.
 Fred avait même pas fini sa phrase, que Ben s'est retourné de bord et s'est mis à vomir sur le terrain de l'hôtel Bonséjour. 
"Bheuuuuu!... je file vraiment paaaaas...!" qu'il nous dit, à 4 pattes dans le gazon.
C'était vraiment dégueulasse à voir, parce que vu que Ben mange vite, il ne mâche pas ses bouchées et on pouvait voir des gros bouts de saucisses dans son vomi.
"C'est ça qui arrive quand on mange de la marmotte morte!" dit Gendron
On pouvait rien faire d'autre que de laisser Ben vomir, mais on se tenait un peu loin pour pas se faire éclabousser.
"Ma gang de cochons!! c'est pas assez de souiller ma piscine, faut aussi scrapper mon gazon?... attendez que je vous pogne!!!"
M. Neuville, le propriétaire de l'hôtel avait l'air en beau maudit, il s'est mis à nous courir après avec un manche à balai. 
On s'est tous sauvés en courant dans toutes les directions, et avant de disparaitre avec Fred derrière les framboisiers sur le bord de la voie ferrée, j'ai juste eu le temps de voir Ben (sûrement trop malade pour courir) se faire prendre par le collet, et Gendron aussi se faire attraper par l'oreille (parce qu'il était resté sur place à brailler plutôt que de se sauver.)
"Bon... je pense qu'il va falloir oublier notre pic-nic...!" que je dis à Fred en sortant d'en-dessous des arbustes, du côté du Chemin-des-Cèdres.
J'étais un peu déçu, mais en même temps, c'est toujours ça qui arrive quand on est trop de monde, ça finit toujours mal... ça me dérange pas trop pour Gendron, mais c'est sûr que Ben va encore finir en punition pendant 3 jours pour avoir mangé du junk food.
"Fait comme tu veux, mais moi j'y vais pareil!... me dit Fred en marchant vers la voie ferrée... Les vacances achèvent, alors il faut en profiter avant qu'il commence à neiger!"
Fred, il a vraiment le tour de convaincre le monde!

Prochaine histoire: La plage du Domaine, c'est quand même mauditement loin... 

Jour 23 : La piscine de l'hôtel Bonséjour

C’était le seul dimanche de l’été où on n’a pas besoin de payer pour aller se baigner dans la piscine de l’hôtel Bonséjour. M. Neuville, le propriétaire de l’hôtel, fait une journée porte ouverte pour attirer plus de touristes et Morin dit que c’est la journée du monde “cheap” qui veut pas payer le prix habituel de 5$ pour aller se baigner.
Faut dire que la piscine est remplie d’eau salée qui vient du fleuve, grâce à une pompe installée à l’entrée du quai qui tire l’eau du fleuve jusqu’à la piscine de l’hôtel.
Et, personnellement, je ne vois pas l’intérêt de payer 5$ pour se baigner dans la même eau que celle du fleuve qui est toujours gratuite, mais faut dire que c’est quand même le fun de profiter du plongeon et d’être pas loin du stand à crème glacée que M. Neuville a installé juste à l’entrée de la piscine.
C’est clair que c’est pas une journée gratuite uniquement pour les enfants, parce que ça a l’air de tomber sur les nerfs de M. Neuville de nous voir toute la gang faire autant de bruit et autant de vagues, de courir partout autour de la piscine, de faire des bombes dans l’eau et de se lancer le ballon.
Dimitri est resté de l’autre côté de la clôture à nous regarder parce qu’il n’a plus le droit de venir se baigner depuis que M. Neuville l’a pogné à pisser dans la piscine l’an dernier.
Il dit que c’est des menteries, mais il dit aussi que “de toute façon, c’est la même eau que celle du fleuve qui est déjà pleine de pisse…”
Mais M. Neuville nous a averti avant qu’on saute dans l’eau qu’il avait mis un produit chimique dans sa piscine qui fait rapetisser le zizi de ceux qui pissent dedans. On savait que c’était pas vrai, mais Gendron ne s’est pas baigné pour pas prendre de risques (parce que si son zizi devenait encore plus petit, il deviendrait une fille).


On avait vraiment du fun mais malheureusement, on n’est pas resté dans la piscine aussi longtemps qu’on aurait voulu. Après que Jonas ait échappé son cornet dans l’eau et que Justin se soit mis à saigner du nez au-dessus du filtreur, M. Neuville a finalement pété une coche quand Gendron a botté son ballon qui a revolé dans la face de Madame Neuville…
“Là, ça va faire! C’est pas un zoo ici, vous avez assez profité de la piscine!… Dehors, les coliformes fécaux! Foutez-moi le camp maintenant!”
On est tous sorti rapidement de la piscine. Gendron est parti chez lui en pleurant parce qu’il est pas capable de botter un ballon comme du monde et qu’on était en maudit après lui… C'est vraiment Dimitri, qui nous attendait encore de l’autre bord de la clôture, qui avait l’air le plus content.
 On s’est rendu à la plage à côté du quai, mais même si la marée montait, elle était encore trop basse pour pouvoir se baigner… on a recommencé à jouer au ballon mais avec de l’eau jusqu’aux chevilles et sans plongeon, c’était pas mal moins le fun que dans la piscine de l’hôtel.
 On était juste à côté du quai quand on a vu M. Neuville arriver à toute vitesse en bicycle. On pensait qu’il venait encore nous chicaner pour quelque chose, mais il était juste venu partir la pompe de sa piscine, installée dans les roches du quai, juste à côté de nous autres.
Il nous regardait croche et on a compris qu’on avait tellement fait déborder sa piscine qu’il fallait maintenant la remplir à nouveau. Vu que la marée était pas encore haute, le moteur de sa pompe avait l’air de forcer pas mal parce que le bout du tuyau, qui tire l’eau du fleuve, sortait un peu de la surface et avalait de l’air en même temps.
Mais M. Neuville avait l’air pressé et s’en est pas rendu compte… “Ici au moins, vous pourrez crier et pisser comme vous voulez! Ça dérangera personne!” Qu’il nous dit avec un sourire baveux en repartant rapidement en vélo vers son hôtel.
“C’est vrai? On peut?” nous chuchote Dimitri en s’avançant dans l’eau et en se baissant les culottes…


Le moteur avait l’air d’étouffer encore plus à mesure que Dimitri pissait sur l’embouchure du tuyau, mais on pouvait comprendre pourquoi: nous autres aussi on avait de la misère à respirer tellement on riait!
 Une chose est sûre: M. Neuville risquait pas de nous revoir dans sa piscine d’ici la fin des vacances!

Jour 22 - On joue à camouflage!

Après le souper, on s'est ramassé une grosse gang à l'entrée du quai et tout le monde avait envie de jouer à camouflage, notre jeu préféré!
Les filles aussi avaient envie de jouer avec nous autres. Mais à part Améline, les autres filles sont vraiment pas super bonnes à camouflage parce qu'elles aiment pas trop se salir et souvent elles crient parce qu'elles ont peur des bibittes. Heidi et Francine se tiennent toujours ensemble et d'habitude elles font juste lire des livres et se mettre de la couleur sur les ongles d'orteils. Ça doit vraiment être plate d'être une fille... 
Et Ben est vraiment pas d'accord de laisser les filles jouer avec nous autres. Lui, il a deux grandes soeurs jumelles, et il dit qu'il préfèrerait habiter en-dessous d'une roche avec des sangsues plutôt qu'avec des filles. Je pense qu'il exagère parce que Améline, la soeur de Fred, est vraiment pas si pire que ça. Elle est aussi bonne qu'un gars à camouflage parce qu'elle est habituée de jouer dehors et n'a pas peur de se garrocher n'importe où (et, en plus, elle est vraiment super belle!).
 Camouflage, c'est un jeu qui se joue dans les buttes et c'est le meilleur jeu au monde. C'est aussi un jeu super facile à comprendre parce que même Justin est capable de jouer. Faut juste courir vite et être capable de se cacher!
 Toute la gang s'est rendue jusqu'à l'entrée des buttes, derrière la maison du Dr Bilodeau...  
 Pour commencer, il faut d'abord marcher tous ensemble en file indienne pendant quelques minutes. Puis, comme j'étais le "chef" du groupe, je me suis arrêté sans prévenir dans le milieu du sentier et j'ai commencé à compter jusqu'à 10 avec les yeux fermés. Le but du jeu, c'est que tout le monde doit se trouver une cachette le plus rapidement possible parce que, quand j'ai fini de compter, j'ouvre les yeux et ceux que je suis capable de voir sont éliminés (mais il faut que je reste sur place, j'ai pas le droit de bouger.)
 Le plus facile à trouver d'habitude, c'est Dimitri... vu qu'il est gros il ne court pas très loin, et vu qu'il se prend pour un indien il pense qu'il est invisible comme une marmotte quand il se couche dans l'herbe.
 Les deux filles, Heidi et Francine, sont aussi éliminées rapidement parce qu'elles prennent toujours du temps à trouver une cachette pas trop salissante et assez grande pour les deux. (Et quand elles arrivent à se cacher, on les entend placoter)
 Je pense que le meilleur de la gang, c'est Fred, parce qu'il connait vraiment bien les buttes et il a pas peur de se pitcher partout pour se camoufler. Le problème, c'est que Gendron le suit toujours partout parce qu'il a peur de se cacher tout seul. Faut dire que l'an dernier, Gendron était resté vraiment longtemps dans sa cachette parce qu'on l'avait oublié. Sa mère nous avait chicanés parce qu'il était rentré chez lui en braillant. Donc maintenant, quand on trouve Gendron, on trouve aussi Fred juste à côté.
 Ceux que je n'ai pas pu trouver sortent de leur cachette et on continue à marcher en file indienne, jusqu'à ce que j'arrête pour compter à nouveau, cette fois-ci jusqu'à 9... puis après jusqu'à 8... etc... le gagnant est le dernier que je réussis à trouver. C'est sûr que ça devient vraiment dur de se trouver une cachette quand t'as juste 2-3 secondes pour te cacher!


 Ben était vraiment fru de ne pas gagner. Il est petit et vraiment rapide mais ses gilets fluos sont faciles à voir. Et il était encore plus en maudit de voir que c'était Améline qui avait gagné la première partie. Il dit que je fais exprès pour la laisser gagner. 
"Arrête de laisser les filles gagner!! Ça les encourage à jouer plus souvent avec nous autres!" qu'il me dit.
Pour la partie suivante, c'est Ben qui a décidé d'être le chef. Et quand il est le chef, ça finit toujours mal. Pas juste parce qu'il compte vraiment trop vite et qu'il nous amène dans des endroits où il y a pas beaucoup d'arbres et de places pour se cacher, mais aussi parce qu'il arrête pas d'écoeurer les filles.
Elles sont finalement toutes parties quand il a pointé Francine, cachée derrière un buisson, en criant "Je vois la grosse folle derrière l'arbuste!"
Francine braillait parce qu'elle n'aime pas vraiment se faire traiter de folle, ou de grosse, je sais plus trop...
Ben était pas mal content qu'on soit juste entre gars. "Bon! Ça va enfin être le fun!"
Entre-temps, on avait perdu Jonas qui a préféré courir après les mouches-à-feu, Dimitri est rentré chez lui parce qu'il était tanné d'avoir chaud, et Morin s'est souvenu qu'il avait un programme à écouter à la tv. Justin est resté un peu plus longtemps, jusqu'à temps d'avoir envie de pipi (parce qu'il ne veut pas faire pipi dehors, par peur d'attraper la grippe du zizi)
On a continué à marcher jusqu'au verger, à côté du champ Desrosiers, et on avait seulement 4 secondes pour se trouver une cachette. 
Je pense que Ben commençait à être tanné d'avoir de la misère à nous trouver, et il se trouvait pas mal drôle quand il s'est mis à crier: "HAAAA! je vois un ours noir!!" ... Gregory et Gendron sont aussitôt sortis de leur cachette en panique. C'était comique, mais on a dû attendre que Gendron ait fini de brailler pour continuer à jouer, et Gregory est parti chez lui parce qu'il avait reçu une branche de sapin dans la face.
 On n'a pas joué tellement plus longtemps parce qu'il commençait à faire noir et la mère de Gendron nous oblige à aller le reconduire chez lui avant la nuit, parce qu'il a peur de croiser Gérard-le-Renard sur le Chemin-des-Haies qui mène à son chalet. 
"Ce qui est arrivé au Chaperon Rouge, ça peut aussi arriver à n'importe quel enfant!" nous a dit Gendron en le reconduisant chez lui. 
Fred l'a traité d'épais en disant que c'était juste un conte pour enfants... et aussi que, dans l'histoire, c'est pas un renard mais un loup qui veut manger le Chaperon Rouge!
Parce qu'un renard, c'est vraiment pas épeurant. J'en ai vu un au zoo il y a quelques années, c'est pas plus gros qu'un chat et c'est plus peureux qu'un petit-suisse. 
Et puis, Gérard-le-renard, c'est comme une légende... tout le monde en parle mais on dirait que personne ne l'a jamais vraiment vu. 
Dimitri dit qu’il a vu des traces de pas dans la neige au chantier maritime l’hiver dernier et il est "100% certain" que c'était celles d’un renard. Mais Dimitri est pas super fort pour reconnaitre les traces d’animaux. "Il pourrait confondre les traces d'un ours avec celles d'un goéland" dit Fred... Même s’il ressemble à un indien et qu’il aime se faire appeler Aigle-Agile, Dimitri est loin d’être habile et débrouillard, et il pogne les nerfs rapidement, surtout quand Ben le traite de “ Squaw ”… (je pense que ça veut dire “ tapette ” en indien.)
On pense aussi que Gérard-le-Renard, c'est une invention de la mère de Gendron pour qu'il rentre à la maison avant la nuit. Mais Clémentine, la grande soeur de Ben, dit qu'elle a vu un renard fouiller dans les poubelles à l'entrée du quai l'an passé... Ben dit que c'est une folle et qu'en plus elle est myope, c'était sûrement juste le doberman à Morin. 
Mais Gendron est convaincu que Gérard existe. "Y a pas juste Clémentine qui l'a vu!... Mme Paré dit qu'un renard vient fouiller dans ses poubelles la nuit et ça lui fait peur parce qu'il pourrait venir manger ses deux enfants de 6 mois et 2 ans!" qu'il nous dit.
C'était un peu une joke au village parce que cette fois-là, le renard s'était sauvé avec un sac de vidange rempli seulement de couches pleines!
Comme quoi, un renard ne mange pas juste des enfants frisés.
"... et les renards te laisseraient tranquille si tu faisais pas toujours dans tes culottes!" a ajouté Ben.
Gendron n'a pas trouvé ça drôle.

Jour 21 : La Cabane de Morin

Notre cabane, je l’avais presqu’oubliée… faut dire qu’on est un peu tannés d’avoir à la reconstruire à chaque année. Et cet été Fred est pas mal plus occupé à réparer le vieux tracteur qui traine à l'autre bout du champ plutôt que d’avoir à solidifier ce qui reste de notre cabane après un gros hiver. Elle n’est tellement pas solide que le toit est parti au vent et le plancher a craqué sous le poid de la neige, déjà que l’échelle avait cassé en deux après que Dimitri soit monté dedans pour aller fumer du pot en cachette avec Blaise, le frère de Fred, l’an passé. On l’a su parce qu’on a trouvé des botches de cigarettes autour de la cabane et que Blaise avait écrit « cabane de tapettes » au-dessus de la porte avec sa canne de spray. C’est pas la première fois qu’il fait ce genre de niaiseries-là, il avait déjà peinturé « fuck off » sur une des goélettes en bois dans le chantier maritime, juste avant la grande fête du village. Maman m’a dit que ça voulait dire « va-t-en chez vous » en anglais. Ça veut rien dire mais quand t’es ado, tu fais vraiment plein d’affaires épaisses de même.
Tout ça pour dire qu’on serait pogné pour refaire notre cabane à zéro, et mettons que ça nous tente pas vraiment… Et il faudrait aussi trouver un autre endroit pour pas que Blaise la trouve et vienne la vandaliser. C’est pas garanti parce qu’il arrive toujours à tout savoir, c’te maudit-là.
Fred dit qu,on devrait plutôt acheter une tente roulotte qu’on pourrait barrer avec un clé et venir la cacher sous les sapins, pas loin de son tracteur. L’avantage c’est que, vu qu’une roulotte a des roues, on peut la changer de place si jamais Blaise la découvre… “Et en plus, dit Fred, on pourrait même l’attacher après mon tracteur et partir faire du camping aux États!”
C’est une maudite bonne idée! Mais une roulotte, ça coûte vraiment cher et quand je vois le vieux tracteur rouillé de Fred qui est abandonné en-dessous des arbres depuis au moins 100 ans, je me dis qu’on pourrait pas aller tellement loin et que ça risque de prendre un autre 100 ans avant de le réparer.
On pensait que la roulotte maganée qui se trouve à côté du chalet du Dr Bilodeau était aussi abandonnée, mais c’est la roulotte de vacances de M. Vanier et maintenant il habite là tout le temps depuis que sa femme l’a “câlissé dehors de sa maison”, comme il m’a dit l’autre jour. Je le vois souvent tôt le matin passer devant chez nous, tout bien habillé parce qu'il va travailler comme vendeur d’assurances à Baie St-Pierre. Il nous dit de jamais nous marier parce que “tu te retrouves vite dans la rue quand ta femme se sauve avec tout ce que tu as.”  Mais maman dit qu’il le mérite parce que c’est un “coureur de jupons”. Ça veut dire que c’est un gars qui embrasse beaucoup de filles, et non un gars qui fait du jogging en jupe comme je pensais au début… (ce qui serait quand même une bonne raison de divorcer.)
Quand Morin a vu notre cabane l’an passé, il riait pas mal de nous autres. Mais il rit toujours de nous autres parce qu’il se pense meilleur que tout le monde... c’est vraiment un pense-bon.
Mais lui, il est juste chanceux parce que ses parents sont riches et son père lui a construit une cabane à deux étages derrière sa maison, avec une passerelle pour aller jusqu’à l’arbre à côté et une grosse corde pour descendre. Il peut aussi remonter l’échelle pour pas que le monde puisse rentrer dans sa cabane quand il n’est pas là (ce qui serait super utile pour empêcher Blaise de venir dans la nôtre).
La cabane de Morin est tellement grande que ça ressemble plus à un condo qu’à une vraie cabane en bois.

Fred pis moi, on pense qu’une vraie cabane devrait être construite loin de tout avec du bois qu’on trouve dans la forêt, et bien cachée dans un endroit vraiment sauvage, Comme dans le temps des premiers colons ou des indiens... C’est ben plus le fun de même.
J’ai demandé à papa pourquoi il n’était pas aussi riche que le père de Morin qui vend des maisons partout dans Charlevoix et papa m’a dit qu’en vérité, il était riche et qu’il avait des millions de lingots d’or enterrés dans un endroit secret. « Comme ça, si ta mère me sacre là, je serai pas obligé de vivre dans une roulotte! » qu’il dit… mais je sais qu’il conte des blagues. 
Mais de toutes façons, on va pas souvent jouer dans la cabane à Morin. Pas juste parce qu’il nous invite jamais, mais surtout parce que c’est pas aussi le fun que ça en a l’air, elle est tellement proche de sa maison, que sa mère peut toujours tout entendre et tout surveiller ce qu’on fait. Il a aussi une corde à linge qui relie la cabane jusqu'à la fenêtre de la cuisine de sa mère, pour qu’elle puisse lui glisser des biscuits et un verre de lait dans une ptite boite quand c’est l’heure de sa collation.
Morin est vraiment gâté pourri, et les biscuits de sa mère sont même pas bons.

Jour 20 : Jour de pluie

Après un mois de gros soleil, il pleut enfin!
Je pense que les agriculteurs sont aussi énervés que des enfants quand il y a une tempête de neige en hiver et que les écoles sont fermées. Et je peux facilement imaginer M. Beaupré en train de danser sous la pluie, lui qui commençait à avoir vraiment peur de perdre ses pousses de blé d'inde, qui étaient rendues aussi sèches et frippées que les cheveux de Dimitri. 
J'espère aussi qu'il va pleuvoir assez fort et assez longtemps pour inonder complètement son champ de choux de Bruxelles.
C'est sûr que, quand t'es en vacances à St-Jos, c'est plus le fun quand il fait beau. Mais moi j'adore quand même les journées de pluie, surtout quand on les passe dans la grange de Fred à boire du chocolat chaud et à jouer à Monopoly tout l'après-midi! 
 J'ai pas vraiment besoin d'appeler Fred avant, j'ai juste à me pointer chez lui après le diner et je sais qu'il va m'attendre dans la grange pour commencer une partie.
 D’habitude, on joue seulement tous les trois, Fred, Ben et moi, mais vu que Ben est encore en punition, il faut l’oublier pour les quelques prochains jours. De toutes façons, il aime mieux pas sortir quand il pleut parce qu’il a peur de faire rire de lui. Vu que sa mère est cheap, elle oblige ses enfants à mettre le même linge et Ben n'a pas le choix de porter l'imperméable rose de sa soeur Clémentine qui est rendu trop petit pour elle.
Maintenant que Gendron, Justin et Grégory connaissent nos habitudes, ils n'attendent pas qu'on les invite et se pointent à la grange de Fred chaque fois qu'il pleut. 
D'habitude Monopoly c'est le fun quand on est plusieurs, mais je sais pas pourquoi, avec cette gang-là, ça finit toujours mal... 
 Gendron est arrivé plus tard que les deux autres et, vu qu'on avait déjà commencé une partie, on lui a dit qu'il devait attendre à la prochaine pour pouvoir jouer (et ça peut être vraiment long!). Comme d’habitude, Gendron s'est mis à brailler comme un bébé-lala et il est allé voir la mère de Fred pour se plaindre. Elle est venue nous dire de laisser Gendron jouer avec nous autres et elle lui a aussi mis plus de guimauves dans sa tasse de chocolat chaud pour qu’il arrête de chigner. 
« Ok d’abord, dit Fred, mais tu vas jouer avec la bottine, il reste pas d’autres jetons… »
Vu que c’est le jeu de Ben, il a pris la moitié des jetons en métal de Monopoly pour les faire écraser en-dessous des roues du train. 
« Mais je veux pas jouer avec la bottine moi… je veux la voiture de course! » dit Gendron en chignant.
« C’est Justin qui a pris la voiture de course, dit Fred… fait que si tu veux jouer, c’est avec la bottine ou rien! »
« Bon, ben je vais vous regarder jouer d’abord! » répond Gendron en buvant son chocolat chaud (il mérite vraiment souvent des claques.)


 Ça faisait une heure qu’on jouait et Justin commençait à bouger beaucoup. Justin, c'est aussi un gars qui habite en ville mais qui vient seulement les fins de semaine à son chalet parce que ses parents n'ont pas de vacances pendant l'été. Il est plus jeune que nous autres, il est un peu gêné et ne parle pas beaucoup. 
« Le chocolat chaud me donne vraiment envie de pipi » dit Justin en se tortillant.
« Déjà?... Bin, va aux toilettes! » répond Fred.
« Non, c’est correct, je vais attendre… » Justin n'est pas capable de faire pipi ailleurs que chez lui.
 On a continué à jouer et ça marchait vraiment bien pour moi. Après une heure, j’avais déjà construit 2 hôtels sur l’Avenue du Parc et tout le monde pilait dessus à chaque tour. Même Gregory qui priait pourtant à chaque fois que c'était son tour et qui bénissait les dés avant de les lancer. Ça le mettait vraiment en maudit de voir que Jésus avait l'air de s'en foutre s'il perd à Monopoly.
« Y a de quoi qui marche pas avec votre jeu…dit Gregory. Avec le nôtre à mon Camp-de-la-Foi, on ne paye pas avec de l’argent mais avec des prières… vous jouez avec la version satanique de Monopoly … »
« Je pense qu’il faut que j’aille faire pipi » dit Justin en se levant rapidement.  « … et GENDRON, tu touches PAS à mon jeu pendant que je suis pas là!! Je vais revenir dans pas longtemps! »
Il a descendu les marches en sautillant et est retourné chez lui.
« Il reviendra pas, c’est sûr! » dit Gendron en s’asseyant à la place de Justin. « Je vais continuer sa partie pour lui! »
 Honnêtement, on souhaite que Justin ne revienne pas, parce qu'il serait en beau maudit de voir ce que Gendron a fait de sa partie... Gendron est tellement pas bon à Monopoly qu'il passe toujours sur les terrains où il y a des hôtels, il prend toujours la carte qui l'envoie en prison ou le fait passer son tour, et il construit toujours des hôtels sur des terrains où personne ne s'arrête jamais... ce qui fait qu'après 15 minutes de jeu, il n'a déjà plus d'argent et doit vendre ses terrains pour payer ses dettes.
 Justin est revenu après son pipi pour terminer sa partie et, lui qui ne se fâche jamais, a piqué toute une crise de nerfs en voyant que Gendron avait tout perdu... Justin était tellement fâché qu'il a voulu donner un coup de pied à Gendron, mais Gendron s’est tassé et Justin a donné un coup sur sa tasse de chocolat chaud. Justin s'était fait mal au gros orteil et Gendron avait des guimauves et du lait au chocolat dans les cheveux. Fait que les deux sont retournés chez eux en braillant.
 On s'est séparé les terrains et l'argent et on a continué la partie. 
 Avec Grégory, c'est pas toujours plus facile... ça nous dérange pas trop s'il embrasse son crucifix chaque fois qu'il lance les dés, ou s'il fait une prière pour qu'on passe sur son terrain, mais c'est vraiment fatiguant quand il invente des règlements... Comme cet après-midi, j'avais full d'hôtels sur un de mes terrains et il a presque tout perdu d'un seul coup en s'arrêtant dessus. Il était tellement en maudit que, quand ça a été mon tour de m'arrêter sur un de ses terrains, il m'a chargé trois fois le prix d'une amende normale. 
"C'est parce que c'est pas un hôtel que tu vois là... quand tu la bénis, elle se transforme automatiquement en église... c'est normal que ça coûte plus cher" 
"Quoi?? C'est n'importe quoi! Y a même pas d'églises dans le jeu!!!" que je lui dis, en fouillant dans les règlements.
"Il devrait y en avoir... à mon école, on a un jeu de Monopoly Chrétien et il y a des églises partout... Votre jeu marche pas, il doit y avoir une erreur de conception"
"C'est toi, l'erreur de conception!" répond Fred. "Pour l'instant, c'est des hôtels qu'on a ici, alors c'est le prix d'un hôtel qu'il faut payer!"
Dehors, il avait arrêté de pleuvoir et on pouvait même voir un peu de ciel bleu au-dessus du fleuve.
"Pfff... un moment donné, Jésus va se fâcher et vous allez en manger toute une!" nous dit Gregory en se levant. (Pour Gregory, Jésus c'est comme son grand frère imaginaire qu'il peut appeler n'importe quand pour venir nous sacrer une volée.)
"De toute façon, c'est clair que j'ai gagné la partie... vous êtes juste une gang de mauvais perdants..." Il a remis son imperméable et il est sorti de la grange en courant, au moment où la pluie recommençait à tomber.
 Fred est vite descendu nous chercher un autre chocolat chaud et on a commencé une nouvelle partie (en oubliant pas de bien barrer la porte de la grange avant).

Jour 19 : Ben est obsédé par les trains...


Quand il entend la sirène du train qui s’approche du village, Ben laisse tomber ce qu’il fait et file en bicycle jusqu’à la voie ferrée pour arriver avant que le train passe. Il n’a pas juste du fun à regarder le train passer, mais aussi à mettre sur les rails une foule de petits objets qui seront écrasés, aplatis, sous le poids des wagons. Ça a commencé avec des cennes noires, puis des 5 cennes, jusqu’à ce qu’il se rende compte que des 25 cents aplatis n’avaient plus aucune valeur… il a donc commencé à faire écraser plein d’autres affaires : des vis, des boulons, des bouchons de bière, des boutons de manteau, des clous, des fers à cheval, et aussi le chapelet en argent qu’il avait reçu pour sa première communion (Gregory lui a dit qu’il allait brûler en enfer)… puis il a commencé à « emprunter » des cossins à ses sœurs : des épingles à cheveux, des bagues et des boucles d’oreilles, etc… Après, il rapporte tous ces objets écrasés et les garde précieusement dans une grosse boite en bois, cachée dans son cabanon. Je sais pas s’il pense que ça va prendre un jour de la valeur, mais il est toujours vraiment fier de nous montrer sa collection. Il a commencé à mettre des objets de plus en plus gros sur les rails… des vieux outils de son père, une chaine de bicycle, un couvercle de poubelle… Je me demandais jusqu’où ça allait se rendre. Au début de l’été, il a mis son vieux tricycle en travers de la voie ferrée pour le faire écrapoutiner. Mais il a eu la chienne de sa vie quand le train s’est arrêté quelques mètres plus loin. Il pensait qu’il l’avait fait dérailler et que le chauffeur du train allait venir lui tirer les oreilles, mais il était juste descendu pour acheter une tarte au sucre chez Mme Beta avant de repartir vers Baie St-Pierre.
Hier après-midi, on était au quai quand Ben a entendu la sirène du train qui arrivait au village. D’habitude, Ben connaît les horaires par coeur, mais là il était un peu pris de court. Il a roulé rapidement jusqu’à la voie ferrée avec rien d’autre à faire écraser que son trousseau de clés dans les poches… 


Il était vraiment crampé en revenant au quai pour nous montrer ses trois clés aplaties comme des galettes… Fred pis moi, on trouvait que c’était une bizarre d’idée, puis Ben a commencé à rire jaune quand il s’est rendu compte qu’il avait aussi aplati la seule clé du cabanon. 
Comme il n’a plus le droit de raconter des menteries à sa mère, mettons qu’elle était en beau maudit d’avoir à appeler encore une fois le serrurier pour ouvrir la porte du cabanon (et, aussi, de trouver une boite remplie de cossins écrapoutinés par le train, dont plusieurs ustensiles en argent du vaisselier de sa grand-mère.) 
Ben s’est encore retrouvé en punition pour 3 jours et sa mère lui a dit que, la prochaine fois, elle lui metterait la tête sur les rails avant que le prochain train passe… peut-être que ça l’aiderait à avoir des idées moins tordues.